Depuis la publication de notre dernière analyse sur l’argent, 10 jours se sont écoulés.
Il y a 10 jours, la dynamique du marché semblait appartenir au passé. Et en si peu de temps, le marché de l’argent a connu une série d’événements importants :
La Chine a annoncé la mise en place d’un système de licences pour l’exportation d’argent à partir du 1er janvier prochain.
Le prix de l’argent physique à Shanghai a grimpé à 91 dollars, tandis que le prix de règlement du COMEX (New York Mercantile Exchange) était de 77 dollars.
La courbe à terme de Londres reste profondément en backwardation, bien que moins extrême qu’en octobre, elle affiche toujours une inversion.
CME (Chicago Mercantile Exchange) a augmenté les exigences de marge pour l’argent.
Après une période de « détox » numérique bien méritée, j’ai passé tout l’après-midi à scruter Bloomberg et Rose, pour comprendre si ces changements allaient influencer notre vision du marché.
Conclusion à court terme : ce n’est pas le moment d’acheter à nouveau.
J’attendrai une opportunité de correction pour continuer à positionner, tout en restant flexible lors d’opérations par options.
C’est la partie que les livres de trading ne vous diront pas — lorsque votre logique d’investissement fonctionne, voire fonctionne trop bien, il ne suffit pas de gérer le capital, mais aussi de maîtriser ses émotions. À ce moment-là, le modèle mathématique sur papier ne se limite plus à une distribution de probabilités, il devient une « prime réalisée » d’un call.
Ce stade est inquiétant, car il faut faire plus de devoirs : vérifier à nouveau ses calculs, évaluer les narratifs inverses qui pourraient vous être défavorables.
C’est la situation actuelle.
Alerte Bear (ou : facteurs de risque « mortels »)
Dans les deux prochaines semaines, les haussiers de l’argent devront faire face à certains narratifs et pressions susceptibles d’engendrer du sentiment baissier à court terme.
Ne soyez pas surpris par une « ligne noire » à venir, elle est très probable. La clé est de savoir si vous choisirez d’acheter au plus bas. Nous avons déjà transféré une partie de notre « Delta » (exposition au prix) vers l’or, réajusté notre portefeuille, détenant actuellement environ 15 % en or et 30-40 % en argent, alors que ce ratio était auparavant proche de 10:1.
De plus, nous avons acheté des options butterfly haussières (upside butterflies) et massivement acheté des options call en dollars. La logique derrière ces opérations deviendra progressivement claire.
Quoi qu’il en soit, voici les principaux facteurs pouvant actuellement exercer une pression baissière :
Pression de vente fiscale
Vous avez déjà réalisé pas mal de gains sur cette position, peut-être même plus que ce que votre comptable pourrait tolérer. Pour les investisseurs ayant acheté de l’argent via des options d’achat à long terme, ils pourraient être réticents à vendre leurs positions avant le 31 décembre.
Surtout si ces positions ont été détenues moins d’un an, car cela concerne non seulement l’impôt sur les plus-values, mais aussi des traitements fiscaux à court et long terme différents.
Cela signifie qu’il y aura une pression haussière maintenant, mais qu’après le 2 janvier, elle se transformera en pression baissière.
Problème du dollar et des taux d’intérêt
Les dernières données du PIB ont été solides, ce qui pourrait réduire les attentes d’assouplissement de la courbe des rendements à 2 ans, forçant les décideurs politiques à choisir entre un dollar plus fort et des taux courts plus élevés. Quelle que soit la décision, cela n’est pas une bonne nouvelle pour les métaux précieux libellés en dollars (argent et or).
Augmentation des marges
CME a annoncé une hausse des exigences de marge pour les métaux précieux à partir du 29 décembre.
Si vous utilisez l’effet de levier sur le marché à terme, cette évolution pourrait avoir un impact significatif. Des marges plus élevées = besoin de plus de capital = liquidation forcée pour les investisseurs sous-capitalisés. La situation rappelle celle du krach de 2011 sur l’argent, lorsque CME a augmenté la marge cinq fois en 8 jours, provoquant une chute brutale du levier et stoppant net la hausse du marché de l’argent.
Alors, faut-il s’en inquiéter cette fois ? En réalité, ce n’est pas si grave. La marge requise pour l’argent est déjà bien plus élevée qu’en 2011, donc cette hausse récente, bien que notable, a un impact moindre. De plus, la majorité de la demande actuelle pour l’argent est physique, ce qui diffère fortement de 2011.
Pour mémoire, en 2011, la marge pour l’argent représentait environ 4 % de la valeur nominale, soit 4 dollars pour contrôler 100 dollars d’argent — un levier de 25 fois, avec un risque très élevé. Ensuite, CME a porté cette marge à environ 10 %, réduisant le levier à 10 fois, ce qui a directement tué la tendance haussière du marché de l’argent.
Et aujourd’hui ? La marge pour l’argent est d’environ 17 %, soit un levier de 6 fois, ce qui est même plus strict que lors des pics de 2011.
Le contexte actuel est entré dans une phase de « compression » des marges. Que se passera-t-il si elles sont encore augmentées ? La réponse : il n’y aura plus de panique de la part des spéculateurs, car il ne reste plus beaucoup de levier spéculatif à liquider. Au contraire, ces ajustements impacteront davantage les hedgers, comme les producteurs cherchant à verrouiller leur prix, les raffineurs gérant leur risque de stock, ou encore les acteurs commerciaux utilisant le marché à terme.
Si la marge passe à 20 %, on ne verra pas de réaction en chaîne de liquidations forcées comme en 2011. Le vrai effet sera une réduction de la liquidité, un élargissement des spreads, et un déplacement vers le marché OTC. La mécanique du marché a changé en profondeur.
Donc, ceux qui mettent en garde contre la hausse des marges jouent en réalité une « vieille guerre » (si l’analyse précédente est correcte). Bien que cette argumentation puisse, à court terme, alimenter une « narration inverse », son impact réel est limité.
L’émergence du « surachat »
Lorsque ces facteurs commencent à se manifester, vous entendrez sur FinTwit ces « chartistes » qui parlent d’« overbought » à tout va. La vente technique peut alors s’enclencher, créant un cercle vicieux.
Mais la question est : sur quoi se base cette notion d’« overbought » ?
La logique d’investissement dans l’argent ne repose pas sur des lignes de graphique ou des lectures de thé ou de tarots. La vraie dynamique est dans ses fondamentaux : la rentabilité économique des panneaux solaires (demande inélastique, le coût de l’argent ne représentant qu’environ 10 % du prix des panneaux) et la rigidité de l’offre d’argent (75 % de l’argent est un sous-produit d’autres métaux). Ce sont ces facteurs qui font bouger les prix à court terme.
De plus, l’argent vient de battre un record historique. Savez-vous ce qui bat aussi des records historiques ? Les actifs qui continuent de monter.
Théorie de la substitution du cuivre
C’est l’un des arguments favoris des opposants : « Ils vont remplacer l’argent par du cuivre. »
Certes, cette idée a une part de vérité, mais il faut faire le calcul.
La réalité de la substitution du cuivre (ou : 4 ans, c’est long)
L’argument de la baisse du cuivre est valable, mais le problème est la lenteur du processus.
Voici un calcul concret, pas une supposition intuitive :
Le temps est une contrainte clé
Même avec des fonds illimités, la conversion est limitée par des contraintes physiques :
Environ 300 usines dans le monde fabriquent des cellules solaires ;
Convertir chaque usine en une ligne de placage cuivre prend 1,5 an ;
La capacité maximale de conversion simultanée est de 60 usines par an ;
Il faut au moins 4 ans pour atteindre 50 % de substitution par le cuivre.
D’après ces cycles de retour sur investissement, 1,5 an de conversion est une décision claire de répartition du capital. En d’autres termes, les CFO devraient se précipiter pour approuver ces plans.
Mais le problème, c’est qu’il faut au moins 4 ans pour faire la moitié du travail.
Les usines doivent être reconstruites une par une, les ingénieurs doivent être reformés, la formule du placage cuivre doit être vérifiée, la chaîne d’approvisionnement doit être réajustée. Tout cela prend du temps.
Calcul de l’élasticité de la demande
Les fabricants de panneaux solaires ont en réalité déjà absorbé un triplement du prix de l’argent. Voyons l’impact sur leur profit :
Quand le prix de l’argent est à 28 dollars/once (moyenne 2024), le profit total de l’industrie est de 31 milliards de dollars ;
Quand le prix monte à 79 dollars/once (prix actuel), le profit chute à 16 milliards de dollars. Bien que divisé par deux, ils continuent d’acheter.
Où se situe le point d’équilibre ?
Une demande commence à se dégrader lorsque le prix de l’argent atteint 134 dollars/once, soit 70 % au-dessus du prix spot actuel.
Il faut noter que 134 dollars/once n’est pas un objectif de prix, mais le point de départ de la dégradation de la demande.
Seuil d’urgence
Avec la hausse continue du prix de l’argent, la rentabilité de la substitution par le cuivre deviendra plus attractive :
Quand le prix de l’argent atteindra 125 dollars/once, le cycle de retour sur investissement pour la substitution par le cuivre sera inférieur à un an, et chaque réunion de conseil pourra alors tourner autour de cette substitution. Mais même si toutes les entreprises décidaient demain, il leur faudrait 4 ans pour atteindre 50 % de substitution. De plus, 125 dollars/once reste 50 % au-dessus du prix spot actuel.
Les capitaux « hurlent » « agissez vite », mais la réalité physique dit « attendez ».
Paradoxe de la force
Fascinant : alors que tout le monde parle de « substitution du cuivre », le secteur solaire se tourne en réalité vers des panneaux utilisant plus d’argent :
Moyenne pondérée de l’argent utilisé :
2025 : environ 13,5 mg/W
2030 : environ 15,2 mg/W
Le passage du PERC au TOPCon puis à la technologie HJT (heterojunction) augmente en réalité la quantité d’argent par watt, même si le cuivre remplace progressivement l’argent dans certains aspects. Mais il faut noter que, malgré l’amélioration de l’efficacité de chaque technologie, sans investissements massifs dans le cuivre, l’industrie tend à utiliser plus d’argent par watt, pas moins.
Les vendeurs à découvert parlent de substitution du cuivre, alors que l’industrie adopte en réalité la technologie HJT.
Conclusion sur la substitution du cuivre
Le temps passe, mais lentement.
La vitesse de hausse du prix de l’argent dépasse celle de la transformation des usines. La fenêtre de 4 ans est une protection pour la logique haussière de l’argent : il faut une hausse de 70 % pour que la demande commence à se dégrader, et même en commençant la substitution aujourd’hui, il est impossible de rattraper la hausse du prix à court terme.
La logique haussière de l’argent (ou : pourquoi cette vague pourrait « vous déchirer, mais vous ravir »)
Très bien. Les scénarios négatifs sont traités. Maintenant, pourquoi je reste haussier ?
La Chine « arme » l’argent
À partir du 1er janvier, la Chine mettra en place un système de licences pour l’exportation d’argent. C’est crucial, car la Chine est le principal pays exportateur net d’argent raffiné dans le monde, avec environ 121 millions d’onces exportées chaque année, presque toutes transitant par Hong Kong vers le marché mondial.
Et maintenant, cette circulation d’exportation nécessitera une autorisation gouvernementale.
Une partie stratégique du jeu des ressources, en cours.
Vous vivez dans un monde libellé en dollars, mais les acheteurs marginaux ne le font pas. Ils paient une prime de 10-14 dollars, et s’en fichent.
Quand le prix physique de l’argent diverge autant du prix papier, il y a forcément une erreur quelque part. Et historiquement, ce n’est pas le marché physique qui se trompe.
Les « cris » du marché de Londres
Le marché OTC (Over The Counter) de Londres est le cœur des échanges physiques d’argent entre banques, raffineurs et utilisateurs industriels, et il est actuellement dans l’un de ses états de backwardation les plus graves depuis des décennies.
Qu’est-ce que la backwardation ?
En termes simples, c’est quand le marché est prêt à payer un prix plus élevé aujourd’hui pour de l’argent physique, plutôt que le prix de livraison future. Autrement dit, le prix spot > le prix à terme. Ce phénomène n’est pas normal, il indique généralement une forte pression du marché.
Il y a un an : prix spot à 29 dollars, la courbe de prix montait progressivement jusqu’à 42 dollars, ce qui est normal dans un marché en contango.
Aujourd’hui : prix spot à 80 dollars, la courbe s’est inversée, tombant à 73 dollars, en inversion.
Parallèlement, le marché papier du COMEX affiche une faible contango, comme si tout allait bien.
Trois marchés, trois narratifs :
La volatilité a été réévaluée
La volatilité implicite (ATM Volatility) des options à la monnaie a augmenté de 27 % à 43 % en un an. La volatilité implicite des options call est encore plus raide — la volatilité implicite des options out-of-the-money (OTM) avec des prix d’exercice élevés atteint 50-70 %. Cela indique que le marché des options intègre une prime pour un risque de forte hausse des prix.
Nous avons continué à acheter des spreads haussiers (call spreads) le long de la courbe de volatilité, avec la stratégie suivante : acheter des options à volatilité implicite élevée, tout en vendant des options call à prix d’exercice élevé pour couvrir le coût. Récemment, nous avons même acheté des butterflys de 6 mois :
Cette stratégie reflète notre vision à court terme, visant à réduire notre Delta en cas de forte hausse.
Les spéculateurs ne sont pas encore en surcharge
Actuellement, la position nette longue spéculative sur l’or représente 31 % de l’intérêt ouvert (Open Interest), contre seulement 19 % pour l’argent. Cela montre que, malgré la hausse du prix, les positions spéculatives ne sont pas extrêmes, laissant encore de la place pour une hausse.
La demande ETF rattrape son retard
La demande d’investissement augmente avec la hausse des prix, confirmant notre précédente prévision : l’argent se comporte comme un bien de Veblen, où plus le prix monte, plus la demande augmente.
Le nombre de parts en circulation du ETF SLV, après plusieurs années de décollecte, repart à la hausse. La hausse des prix stimule la demande.
Ce n’est pas un comportement typique d’un marché de matières premières, mais cela reflète la demande croissante pour l’argent en tant qu’actif monétaire.
Par ailleurs, la prime sur l’argent en Chine reste élevée :
Les ETF occidentaux recommencent à acheter de l’argent ;
Et la demande physique en Asie n’a jamais cessé.
L’avidité de l’industrie solaire pour l’argent
25 ans sans croissance de la demande, sans croissance de l’offre, puis l’énergie solaire arrive
En 25 ans, la demande d’argent n’a guère évolué, l’offre est restée stable. Mais tout a changé avec l’essor de l’industrie solaire. La demande dans la photographie a disparu, remplacée par une explosion de la demande pour le solaire, qui a comblé le vide et accéléré la croissance.
Actuellement, la demande solaire pour l’argent est de 290 millions d’onces ;
D’ici 2030, ce chiffre dépassera 450 millions d’onces.
Sam Altman (CEO d’OpenAI) contacte des entreprises, en quête urgente d’alimentation électrique ;
Les data centers installent des moteurs d’avion comme sources d’urgence pour éviter la latence du réseau ;
Chaque requête en IA consomme de l’électricité, dont la contribution marginale provient du solaire ;
Et le développement du solaire dépend de l’argent.
Cette boucle est bouclée.
Les signaux clés et prix à surveiller
Risques à surveiller
Vente fiscale en janvier : les investisseurs pourraient vendre pour des raisons fiscales en début d’année, provoquant de la volatilité à court terme ;
Dollar fort : la force du dollar pourrait peser sur le prix de l’argent libellé en dollars ;
Augmentation des marges : même si le « kill switch » est épuisé, il faut rester vigilant quant à une nouvelle hausse des marges.
Signaux à suivre
L’écart de prix physique s’approfondit, le prix se stabilise : cela indique une accumulation ;
L’écart de prix physique se réduit, le prix baisse : cela indique une décompression du marché ;
La prime à Shanghai persiste : cela indique un problème structurel, pas un bruit de marché.
Cadre d’observation :
Se concentrer sur la courbe, pas sur le prix.
Si la pression sur le marché physique de Londres persiste, alors que le marché papier du COMEX reste indifférent, l’arbitrage s’amplifiera jusqu’à ce qu’un « décalage » se produise :
Soit l’offre augmente soudainement (le prix s’envole pour libérer l’argent stocké) ;
Soit le prix du marché papier doit se réajuster pour refléter la réalité du marché physique.
Résumé final
À court terme, la logique baissière existe, mais certains facteurs pourraient secouer le marché :
Vente fiscale : la vente de début d’année pourrait provoquer une volatilité ;
Augmentation des marges : une nouvelle hausse pourrait impacter le sentiment ;
Dollar fort : la hausse du dollar pourrait peser sur le prix de l’argent.
Cependant, les facteurs structurels soutenant le prix de l’argent restent solides :
L’écart de backwardation du marché de Londres est à des niveaux extrêmes depuis des décennies ;
La prime en Asie atteint 10-14 dollars ;
La Chine va imposer des restrictions à l’exportation d’argent dans 5 jours ;
La demande solaire est très peu élastique : même à 134 dollars/once, la demande commence à se dégrader ;
Il faut au moins 4 ans pour atteindre 50 % de substitution par le cuivre ;
72 % de l’offre d’argent est un sous-produit d’autres métaux, impossible à augmenter simplement ;
Les positions spéculatives ne sont pas excessives, et les ETF continuent d’accumuler de l’argent physique ;
La volatilité a été réévaluée, le marché intégrant la prime pour un risque de forte hausse.
C’est là que réside le plus grand intérêt du marché, mais aussi sa plus grande peur.
Conseil : ajustez vos positions en fonction de ces éléments, investissez rationnellement. À la prochaine !
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Silver en pleine explosion : +25 % en 10 jours, faut-il maintenant suivre ou fuir ?
Auteur : Campbell
Traduction : Shen Chao TechFlow
Depuis la publication de notre dernière analyse sur l’argent, 10 jours se sont écoulés.
Il y a 10 jours, la dynamique du marché semblait appartenir au passé. Et en si peu de temps, le marché de l’argent a connu une série d’événements importants :
La Chine a annoncé la mise en place d’un système de licences pour l’exportation d’argent à partir du 1er janvier prochain.
Le prix de l’argent physique à Shanghai a grimpé à 91 dollars, tandis que le prix de règlement du COMEX (New York Mercantile Exchange) était de 77 dollars.
La courbe à terme de Londres reste profondément en backwardation, bien que moins extrême qu’en octobre, elle affiche toujours une inversion.
CME (Chicago Mercantile Exchange) a augmenté les exigences de marge pour l’argent.
Après une période de « détox » numérique bien méritée, j’ai passé tout l’après-midi à scruter Bloomberg et Rose, pour comprendre si ces changements allaient influencer notre vision du marché.
Conclusion à court terme : ce n’est pas le moment d’acheter à nouveau.
J’attendrai une opportunité de correction pour continuer à positionner, tout en restant flexible lors d’opérations par options.
C’est la partie que les livres de trading ne vous diront pas — lorsque votre logique d’investissement fonctionne, voire fonctionne trop bien, il ne suffit pas de gérer le capital, mais aussi de maîtriser ses émotions. À ce moment-là, le modèle mathématique sur papier ne se limite plus à une distribution de probabilités, il devient une « prime réalisée » d’un call.
Ce stade est inquiétant, car il faut faire plus de devoirs : vérifier à nouveau ses calculs, évaluer les narratifs inverses qui pourraient vous être défavorables.
C’est la situation actuelle.
Alerte Bear (ou : facteurs de risque « mortels »)
Dans les deux prochaines semaines, les haussiers de l’argent devront faire face à certains narratifs et pressions susceptibles d’engendrer du sentiment baissier à court terme.
Ne soyez pas surpris par une « ligne noire » à venir, elle est très probable. La clé est de savoir si vous choisirez d’acheter au plus bas. Nous avons déjà transféré une partie de notre « Delta » (exposition au prix) vers l’or, réajusté notre portefeuille, détenant actuellement environ 15 % en or et 30-40 % en argent, alors que ce ratio était auparavant proche de 10:1.
De plus, nous avons acheté des options butterfly haussières (upside butterflies) et massivement acheté des options call en dollars. La logique derrière ces opérations deviendra progressivement claire.
Quoi qu’il en soit, voici les principaux facteurs pouvant actuellement exercer une pression baissière :
Pression de vente fiscale
Vous avez déjà réalisé pas mal de gains sur cette position, peut-être même plus que ce que votre comptable pourrait tolérer. Pour les investisseurs ayant acheté de l’argent via des options d’achat à long terme, ils pourraient être réticents à vendre leurs positions avant le 31 décembre.
Surtout si ces positions ont été détenues moins d’un an, car cela concerne non seulement l’impôt sur les plus-values, mais aussi des traitements fiscaux à court et long terme différents.
Cela signifie qu’il y aura une pression haussière maintenant, mais qu’après le 2 janvier, elle se transformera en pression baissière.
Problème du dollar et des taux d’intérêt
Les dernières données du PIB ont été solides, ce qui pourrait réduire les attentes d’assouplissement de la courbe des rendements à 2 ans, forçant les décideurs politiques à choisir entre un dollar plus fort et des taux courts plus élevés. Quelle que soit la décision, cela n’est pas une bonne nouvelle pour les métaux précieux libellés en dollars (argent et or).
Augmentation des marges
CME a annoncé une hausse des exigences de marge pour les métaux précieux à partir du 29 décembre.
Si vous utilisez l’effet de levier sur le marché à terme, cette évolution pourrait avoir un impact significatif. Des marges plus élevées = besoin de plus de capital = liquidation forcée pour les investisseurs sous-capitalisés. La situation rappelle celle du krach de 2011 sur l’argent, lorsque CME a augmenté la marge cinq fois en 8 jours, provoquant une chute brutale du levier et stoppant net la hausse du marché de l’argent.
Alors, faut-il s’en inquiéter cette fois ? En réalité, ce n’est pas si grave. La marge requise pour l’argent est déjà bien plus élevée qu’en 2011, donc cette hausse récente, bien que notable, a un impact moindre. De plus, la majorité de la demande actuelle pour l’argent est physique, ce qui diffère fortement de 2011.
Pour mémoire, en 2011, la marge pour l’argent représentait environ 4 % de la valeur nominale, soit 4 dollars pour contrôler 100 dollars d’argent — un levier de 25 fois, avec un risque très élevé. Ensuite, CME a porté cette marge à environ 10 %, réduisant le levier à 10 fois, ce qui a directement tué la tendance haussière du marché de l’argent.
Et aujourd’hui ? La marge pour l’argent est d’environ 17 %, soit un levier de 6 fois, ce qui est même plus strict que lors des pics de 2011.
Le contexte actuel est entré dans une phase de « compression » des marges. Que se passera-t-il si elles sont encore augmentées ? La réponse : il n’y aura plus de panique de la part des spéculateurs, car il ne reste plus beaucoup de levier spéculatif à liquider. Au contraire, ces ajustements impacteront davantage les hedgers, comme les producteurs cherchant à verrouiller leur prix, les raffineurs gérant leur risque de stock, ou encore les acteurs commerciaux utilisant le marché à terme.
Si la marge passe à 20 %, on ne verra pas de réaction en chaîne de liquidations forcées comme en 2011. Le vrai effet sera une réduction de la liquidité, un élargissement des spreads, et un déplacement vers le marché OTC. La mécanique du marché a changé en profondeur.
Donc, ceux qui mettent en garde contre la hausse des marges jouent en réalité une « vieille guerre » (si l’analyse précédente est correcte). Bien que cette argumentation puisse, à court terme, alimenter une « narration inverse », son impact réel est limité.
L’émergence du « surachat »
Lorsque ces facteurs commencent à se manifester, vous entendrez sur FinTwit ces « chartistes » qui parlent d’« overbought » à tout va. La vente technique peut alors s’enclencher, créant un cercle vicieux.
Mais la question est : sur quoi se base cette notion d’« overbought » ?
La logique d’investissement dans l’argent ne repose pas sur des lignes de graphique ou des lectures de thé ou de tarots. La vraie dynamique est dans ses fondamentaux : la rentabilité économique des panneaux solaires (demande inélastique, le coût de l’argent ne représentant qu’environ 10 % du prix des panneaux) et la rigidité de l’offre d’argent (75 % de l’argent est un sous-produit d’autres métaux). Ce sont ces facteurs qui font bouger les prix à court terme.
De plus, l’argent vient de battre un record historique. Savez-vous ce qui bat aussi des records historiques ? Les actifs qui continuent de monter.
Théorie de la substitution du cuivre
C’est l’un des arguments favoris des opposants : « Ils vont remplacer l’argent par du cuivre. »
Certes, cette idée a une part de vérité, mais il faut faire le calcul.
La réalité de la substitution du cuivre (ou : 4 ans, c’est long)
L’argument de la baisse du cuivre est valable, mais le problème est la lenteur du processus.
Voici un calcul concret, pas une supposition intuitive :
Le temps est une contrainte clé
Même avec des fonds illimités, la conversion est limitée par des contraintes physiques :
Environ 300 usines dans le monde fabriquent des cellules solaires ;
Convertir chaque usine en une ligne de placage cuivre prend 1,5 an ;
La capacité maximale de conversion simultanée est de 60 usines par an ;
Il faut au moins 4 ans pour atteindre 50 % de substitution par le cuivre.
D’après ces cycles de retour sur investissement, 1,5 an de conversion est une décision claire de répartition du capital. En d’autres termes, les CFO devraient se précipiter pour approuver ces plans.
Mais le problème, c’est qu’il faut au moins 4 ans pour faire la moitié du travail.
Les usines doivent être reconstruites une par une, les ingénieurs doivent être reformés, la formule du placage cuivre doit être vérifiée, la chaîne d’approvisionnement doit être réajustée. Tout cela prend du temps.
Calcul de l’élasticité de la demande
Les fabricants de panneaux solaires ont en réalité déjà absorbé un triplement du prix de l’argent. Voyons l’impact sur leur profit :
Quand le prix de l’argent est à 28 dollars/once (moyenne 2024), le profit total de l’industrie est de 31 milliards de dollars ;
Quand le prix monte à 79 dollars/once (prix actuel), le profit chute à 16 milliards de dollars. Bien que divisé par deux, ils continuent d’acheter.
Où se situe le point d’équilibre ?
Une demande commence à se dégrader lorsque le prix de l’argent atteint 134 dollars/once, soit 70 % au-dessus du prix spot actuel.
Il faut noter que 134 dollars/once n’est pas un objectif de prix, mais le point de départ de la dégradation de la demande.
Seuil d’urgence
Avec la hausse continue du prix de l’argent, la rentabilité de la substitution par le cuivre deviendra plus attractive :
Quand le prix de l’argent atteindra 125 dollars/once, le cycle de retour sur investissement pour la substitution par le cuivre sera inférieur à un an, et chaque réunion de conseil pourra alors tourner autour de cette substitution. Mais même si toutes les entreprises décidaient demain, il leur faudrait 4 ans pour atteindre 50 % de substitution. De plus, 125 dollars/once reste 50 % au-dessus du prix spot actuel.
Les capitaux « hurlent » « agissez vite », mais la réalité physique dit « attendez ».
Paradoxe de la force
Fascinant : alors que tout le monde parle de « substitution du cuivre », le secteur solaire se tourne en réalité vers des panneaux utilisant plus d’argent :
Moyenne pondérée de l’argent utilisé :
2025 : environ 13,5 mg/W
2030 : environ 15,2 mg/W
Le passage du PERC au TOPCon puis à la technologie HJT (heterojunction) augmente en réalité la quantité d’argent par watt, même si le cuivre remplace progressivement l’argent dans certains aspects. Mais il faut noter que, malgré l’amélioration de l’efficacité de chaque technologie, sans investissements massifs dans le cuivre, l’industrie tend à utiliser plus d’argent par watt, pas moins.
Les vendeurs à découvert parlent de substitution du cuivre, alors que l’industrie adopte en réalité la technologie HJT.
Conclusion sur la substitution du cuivre
Le temps passe, mais lentement.
La vitesse de hausse du prix de l’argent dépasse celle de la transformation des usines. La fenêtre de 4 ans est une protection pour la logique haussière de l’argent : il faut une hausse de 70 % pour que la demande commence à se dégrader, et même en commençant la substitution aujourd’hui, il est impossible de rattraper la hausse du prix à court terme.
La logique haussière de l’argent (ou : pourquoi cette vague pourrait « vous déchirer, mais vous ravir »)
Très bien. Les scénarios négatifs sont traités. Maintenant, pourquoi je reste haussier ?
La Chine « arme » l’argent
À partir du 1er janvier, la Chine mettra en place un système de licences pour l’exportation d’argent. C’est crucial, car la Chine est le principal pays exportateur net d’argent raffiné dans le monde, avec environ 121 millions d’onces exportées chaque année, presque toutes transitant par Hong Kong vers le marché mondial.
Et maintenant, cette circulation d’exportation nécessitera une autorisation gouvernementale.
Une partie stratégique du jeu des ressources, en cours.
L’écart de prix physique est stupéfiant
Shanghai : 85 dollars/once ; Dubaï : 91 dollars/once ; COMEX : 77 dollars/once
Vous vivez dans un monde libellé en dollars, mais les acheteurs marginaux ne le font pas. Ils paient une prime de 10-14 dollars, et s’en fichent.
Quand le prix physique de l’argent diverge autant du prix papier, il y a forcément une erreur quelque part. Et historiquement, ce n’est pas le marché physique qui se trompe.
Les « cris » du marché de Londres
Le marché OTC (Over The Counter) de Londres est le cœur des échanges physiques d’argent entre banques, raffineurs et utilisateurs industriels, et il est actuellement dans l’un de ses états de backwardation les plus graves depuis des décennies.
Qu’est-ce que la backwardation ?
En termes simples, c’est quand le marché est prêt à payer un prix plus élevé aujourd’hui pour de l’argent physique, plutôt que le prix de livraison future. Autrement dit, le prix spot > le prix à terme. Ce phénomène n’est pas normal, il indique généralement une forte pression du marché.
Il y a un an : prix spot à 29 dollars, la courbe de prix montait progressivement jusqu’à 42 dollars, ce qui est normal dans un marché en contango.
Aujourd’hui : prix spot à 80 dollars, la courbe s’est inversée, tombant à 73 dollars, en inversion.
Parallèlement, le marché papier du COMEX affiche une faible contango, comme si tout allait bien.
Trois marchés, trois narratifs :
La volatilité a été réévaluée
La volatilité implicite (ATM Volatility) des options à la monnaie a augmenté de 27 % à 43 % en un an. La volatilité implicite des options call est encore plus raide — la volatilité implicite des options out-of-the-money (OTM) avec des prix d’exercice élevés atteint 50-70 %. Cela indique que le marché des options intègre une prime pour un risque de forte hausse des prix.
Nous avons continué à acheter des spreads haussiers (call spreads) le long de la courbe de volatilité, avec la stratégie suivante : acheter des options à volatilité implicite élevée, tout en vendant des options call à prix d’exercice élevé pour couvrir le coût. Récemment, nous avons même acheté des butterflys de 6 mois :
Acheter 1 call SLV (iShares Silver Trust ETF) à 70 dollars ;
Vendre 2 calls à 90 dollars ;
Et racheter 1 call à 110 dollars.
Cette stratégie reflète notre vision à court terme, visant à réduire notre Delta en cas de forte hausse.
Les spéculateurs ne sont pas encore en surcharge
Actuellement, la position nette longue spéculative sur l’or représente 31 % de l’intérêt ouvert (Open Interest), contre seulement 19 % pour l’argent. Cela montre que, malgré la hausse du prix, les positions spéculatives ne sont pas extrêmes, laissant encore de la place pour une hausse.
La demande ETF rattrape son retard
La demande d’investissement augmente avec la hausse des prix, confirmant notre précédente prévision : l’argent se comporte comme un bien de Veblen, où plus le prix monte, plus la demande augmente.
Le nombre de parts en circulation du ETF SLV, après plusieurs années de décollecte, repart à la hausse. La hausse des prix stimule la demande.
Ce n’est pas un comportement typique d’un marché de matières premières, mais cela reflète la demande croissante pour l’argent en tant qu’actif monétaire.
Par ailleurs, la prime sur l’argent en Chine reste élevée :
Les ETF occidentaux recommencent à acheter de l’argent ;
Et la demande physique en Asie n’a jamais cessé.
L’avidité de l’industrie solaire pour l’argent
25 ans sans croissance de la demande, sans croissance de l’offre, puis l’énergie solaire arrive
En 25 ans, la demande d’argent n’a guère évolué, l’offre est restée stable. Mais tout a changé avec l’essor de l’industrie solaire. La demande dans la photographie a disparu, remplacée par une explosion de la demande pour le solaire, qui a comblé le vide et accéléré la croissance.
Actuellement, la demande solaire pour l’argent est de 290 millions d’onces ;
D’ici 2030, ce chiffre dépassera 450 millions d’onces.
Intelligence artificielle → Énergie → Solaire → Argent
Une chaîne de demande s’est formée :
Sam Altman (CEO d’OpenAI) contacte des entreprises, en quête urgente d’alimentation électrique ;
Les data centers installent des moteurs d’avion comme sources d’urgence pour éviter la latence du réseau ;
Chaque requête en IA consomme de l’électricité, dont la contribution marginale provient du solaire ;
Et le développement du solaire dépend de l’argent.
Cette boucle est bouclée.
Les signaux clés et prix à surveiller
Risques à surveiller
Vente fiscale en janvier : les investisseurs pourraient vendre pour des raisons fiscales en début d’année, provoquant de la volatilité à court terme ;
Dollar fort : la force du dollar pourrait peser sur le prix de l’argent libellé en dollars ;
Augmentation des marges : même si le « kill switch » est épuisé, il faut rester vigilant quant à une nouvelle hausse des marges.
Signaux à suivre
L’écart de prix physique s’approfondit, le prix se stabilise : cela indique une accumulation ;
L’écart de prix physique se réduit, le prix baisse : cela indique une décompression du marché ;
La prime à Shanghai persiste : cela indique un problème structurel, pas un bruit de marché.
Cadre d’observation :
Se concentrer sur la courbe, pas sur le prix.
Si la pression sur le marché physique de Londres persiste, alors que le marché papier du COMEX reste indifférent, l’arbitrage s’amplifiera jusqu’à ce qu’un « décalage » se produise :
Soit l’offre augmente soudainement (le prix s’envole pour libérer l’argent stocké) ;
Soit le prix du marché papier doit se réajuster pour refléter la réalité du marché physique.
Résumé final
À court terme, la logique baissière existe, mais certains facteurs pourraient secouer le marché :
Vente fiscale : la vente de début d’année pourrait provoquer une volatilité ;
Augmentation des marges : une nouvelle hausse pourrait impacter le sentiment ;
Dollar fort : la hausse du dollar pourrait peser sur le prix de l’argent.
Cependant, les facteurs structurels soutenant le prix de l’argent restent solides :
L’écart de backwardation du marché de Londres est à des niveaux extrêmes depuis des décennies ;
La prime en Asie atteint 10-14 dollars ;
La Chine va imposer des restrictions à l’exportation d’argent dans 5 jours ;
La demande solaire est très peu élastique : même à 134 dollars/once, la demande commence à se dégrader ;
Il faut au moins 4 ans pour atteindre 50 % de substitution par le cuivre ;
72 % de l’offre d’argent est un sous-produit d’autres métaux, impossible à augmenter simplement ;
Les positions spéculatives ne sont pas excessives, et les ETF continuent d’accumuler de l’argent physique ;
La volatilité a été réévaluée, le marché intégrant la prime pour un risque de forte hausse.
C’est là que réside le plus grand intérêt du marché, mais aussi sa plus grande peur.
Conseil : ajustez vos positions en fonction de ces éléments, investissez rationnellement. À la prochaine !